« 3 000 ans d’histoire, de traditions, de misère et de gloire » ou « un pays aux multiples contrastes ».

L’Ethiopie, République Fédérale d’Ethiopie, se situe dans la Corne de l’Afrique avec pour pays frontaliers, au Nord-est l’Erythrée, au Nord-ouest le Soudan, à l’Ouest le Soudan Du Sud, au Sud-est la Somalie et au Sud-ouest le Kenya. L’Ethiopie, dont la superficie est de 1 137 000 km2, est un pays de grande diversité géographique avec des montagnes élevées et escarpées, des plateaux, des gorges profondes, des vallées profondément creusées par des rivières et des plaines accidentées. Le relief principal du pays est un plateau très élevé au centre, bordé de plaines basses. Le point culminant de ces hauts plateaux éthiopiens est le Ras Dashen (4620 m). La proximité de l’Equateur et les grandes différences d’altitude créent une grande variété de climats allant du froid continental au tropical en passant par le tempéré et le sub-tropical. L’Ethiopie connaît trois saisons : une courte saison des pluies (le « Belg ») de février à mai, une saison des pluies caractérisée par de fortes pluies (le « Keremt ») de mi-juin à Septembre et une saison sèche (le « Bega ») d’octobre à janvier. Les températures moyennes se situent entre 16 et 27°C. Le pays connaît régulièrement des moussons tropicales faisant de lui un château d’eau : il donne naissance au Nil bleu, aux fleuves du Kenya (Omo) et de la Somalie (Juda et Shebelle).

Vue des monts Simiens

L’Ethiopie est le troisième pays africain, après le Nigeria et l’Egypte, par l’importance de sa population. Celle-ci, majoritairement répartie sur le Plateau central, est estimée à 108 000 000 (2015) avec une densité de 104 habitants/km2. L’Ethiopie reste un pays très rural malgré une récente et rapide urbanisation. La population est composée d’une grande variété de groupes ethniques. Amharas et Tigréens, collectivement dits Habesha (Abyssiniens) peuples des hauts plateaux, en partie d’origine sémitique, représentent 32% de la population totale. Ils occupent essentiellement le Nord-ouest du pays. Les Oromos, population pastorale et agricole, vivent principalement dans le Centre et le Sud-ouest de l’Ethiopie et représentent 40% de la population. A l’Ouest, de la frontière érythréenne jusqu’au lac Turkana, réside le peuple Shangalla constituant environ 6% de la population. Enfin, l’Est et le Sud-est de l’Ethiopie sont occupés par le peuple Somali, lui aussi formant environ 6% de la population.

L’Ethiopie est divisée en 9 grandes régions, respectant les différents groupes ethniques: régions Tigray, Afar, Amhara, Oromo, Somali, Benichangul-Goumuz, Gambela, Harar et “Nations, Nationalités et Peuples du Sud”. A cela s’ajoute deux “villes-régions”, Addis-Abeba et Dire Dawa. 60% de la population sont chrétiens, il s’agit majoritairement des peuples du nord du pays ; les régions du Sud sont principalement musulmanes (33%) et animistes. La langue officielle, l’amharique, est parlée par plus de la moitié des habitants. L’oromo est parlé par 34% de la population. On compte environ 70 dialectes.

Jusqu’en 1973, l’Ethiopie a été gouvernée par des monarchies successives, avec pour dernier empereur Haïle Sélassié 1er, destitué en 1974. Entre 1974 et 1987, l’Ethiopie fut dirigée par un gouvernement militaire provisoire, le DERG (PMAC: Provisional Military Administrative Council) avec pour chef officiel, Menguistu Haïle Mariam (le « Negus Rouge »). Il mena une rébellion qui renversa le régime de l’Empereur et gouverna pendant plus de 17 ans d’une manière répressive sous un régime de style marxiste (« terreur rouge »). Créée en 1977, l’Union des Organisations Ethiopiennes Marxistes-léninistes fut démantelée en 1984 et remplacée par le Parti des Travailleurs d’Ethiopie qui fonctionna en tant qu’unique parti jusqu’en 1991. Le Parti changea son nom en 1990 et devint le Parti Uni Démocratique Ethiopien.

En mai 1991, le gouvernement de Menguistu, marxiste-léniniste fut renversé par des rebelles du Front Révolutionnaire Démocratique du Peuple Ethiopien (EPRDF), dirigé par Meles Zenawi et plusieurs autres coalitions de rebelles, y compris le Front de Libération Oromo (OLF) et le Front Populaire de Libération Tigréen (TPLF). Ces différents mouvements ont établi un gouvernement de coalition, le gouvernement transitoire de l’Ethiopie. Dans le même temps, un gouvernement autonome a été établi en Erythrée, jusqu’alors province de l’Ethiopie. Après un referendum en mai 1993, L’Erythrée proclama son indépendance et l’Ethiopie reconnue le nouveau gouvernement érythréen après trente années de guerre civile. En juin 1994, les électeurs éthiopiens ont élu les représentants de l’Assemblée Constituante chargés de rédiger une nouvelle Constitution. Celle-ci fut adoptée en décembre, et en mai 1995, un nouveau corps législatif, le Conseil des représentants du peuple, fut élu. Le Président, élu par le conseil des représentants du peuple, a des pouvoirs limités. Le Premier Ministre (Ato Meles Zenawi décédé le 20 août 2012, remplacé ensuite par Haile Mariam Dessalegn) détient le pouvoir exécutif.

De nouveaux conflits éthio-érythréens ont surgi en mai 1998. A cette date, l’armée érythréenne occupa les zones de Badme et de Zala Ambessa (zones frontalières entre les deux pays). Durant huit mois, les initiatives diplomatiques ont primé sur les opérations militaires mais en février 1999, l’armée éthiopienne a lancé une offensive victorieuse sur Badme et y a réinstallé l’administration du pays. Les affrontements se sont toutefois maintenus autour de Zala Ambessa. Dès le début du conflit armé, l’OUA essaya d’obtenir l’application de l’accord de paix entre les deux pays, une paix difficile à négocier. Ce n’est qu’après deux ans de guerre que l’Ethiopie et l’Erythrée ont signé un accord de cessation des hostilités à Alger en juin 2000 mais les tensions demeuraient toujours entre les deux armées. On compte des centaines de milliers de morts et de blessés, on peut imaginer l’étendue des dommages causés.

Vestige de la guerre avec l’Erythrée

Le 2 avril 2018, Abiy Ahmed succède à Haile Mariam Dessalegn et procède à fort remaniement ministériel. Abiy Ahmed, de père oromo musulman et de mère chrétienne orthodoxe est chrétien protestant. C’est la première fois que les oromos sont réprésentés à la tête du pouvoir. L’arrivée au pouvoir d’Abiy Ahmed soulève un grand espoir pour la démocratie en Ethiopie. Une de ses premières initiatives a été de signer la fin de la guerre avec l’Erithrée en juillet 2018. En août il signe un accord de paix avec la rébelion sécessionniste du Front de Libération Oromo. En dépit des ces ouvertures, les violences ethniques progressent dans le pays. Une commission de réconciliation a été mise en place en décembre 2018.

L’Ethiopie est un des pays les plus pauvres du Monde avec un PIB/habitant de 2200 USD (2017) et un PIB global de 80.9 milliards de Dollars US. Les ressources principales et potentielles de l’Ethiopie sont la terre, l’eau, l’énergie hydroélectrique, le bétail, la forêt, le minerai et le gaz naturel. 65% de la superficie du pays seraient de la terre arable. Les ressources en eau de l’Ethiopie sont immenses avec quatorze rivières importantes dont le Nil bleu, le Gibe, le Baro et le Tekeze. Pour ce qui est des ressources animales, l’Ethiopie est en première position parmi les pays africains et en dixième au niveau mondial. Les ressources forestières sont très menacées depuis le siècle dernier : on estime que la forêt couvrait 40% de la superficie du pays au début du siècle et qu’actuellement, elle n’en couvre plus que 3%. Le sous-sol renferme or, gaz naturel, fer, étain, lignite et potassium, richesses qui demeurent largement sous exploitées.

Habitat traditionnel (Toukoul)

L’économie de l’Ethiopie présente les caractéristiques des pays sous-développés. En effet, elle dépend très largement des revenus du secteur primaire. L’Agriculture constitue à elle seule plus de 41% du PIB et représente 90% des exportations. 86% de la population du pays est engagée dans le secteur agricole. Il s’agit d’une agriculture très peu développée, aux méthodes traditionnelles (le tandem bœuf-charrue est toujours l’outil dominant, l’utilisation d’engrais est très réduite), essentiellement destinée à l’autoconsommation. Elle dépend grandement des pluies, seulement 1% des terres cultivées bénéficient de l’irrigation.

Aire de battage : les techniques agricoles restent très archaïques.

L’Ethiopie produit et exporte or, café, coton, sucre, fruits et légumes, huiles végétales, cuirs et peaux. Le café est l’exportation principale du pays, il représente un tiers des exportations. Les céréales (tef, sorgo, maïs…) sont essentiellement destinées à la consommation nationale. Cependant, l’Ethiopie a traversé des sécheresses périodiques qui ont fortement réduit les rendements locaux et ont contraint le pays à importer des produits alimentaires de base. De façon récurrente, l’agriculture doit faire face aux sécheresses périodiques, à l’érosion des sols, au ravage des criquets migrateurs.

La production industrielle, encore très peu développée (15% du PIB), est essentiellement orientée vers la transformation des produits agricoles. Le raffinement du pétrole et la production de textiles viennent en deuxième et troisième position. Depuis les années 1960, le secteur secondaire s’est développé avec la construction d’usines métallurgiques et d’usines de production de biens de consommation. Addis Abeba est le principal foyer industriel du pays. Le très faible niveau des salaires, bien inférieurs aux salaires chinois et du Sud-Est asiatique, ont pour effet de voir de nouvelles usines s’implanter. Il en résulte un fort développement, mais qui ne profite pour l’instant qu’à une partie encore très minoritaire de la population. En ce qui concerne l’énergie, l’Ethiopie présente un riche potentiel, l’hydroélectricité, dont le très contesté « barrage du millénaire » est une illustration. Elle constitue la principale source de la production nationale d’électricité même si celle-ci est assez dépendante des pluies. La géothermie fait l’objet de recherches prometteuses. L’énergie éolienne est exploitée au travers de réalisations dans le Tigré.

Il est important d’évoquer les impacts négatifs de la guerre civile sur l’économie du pays. Les problèmes structurels de l’économie associés aux effets de la guerre ont, en effet, porté un frein majeur au développement économique du pays se manifestant par une importante dégradation du niveau de vie des Ethiopiens et une augmentation de la pauvreté. En plus des conséquences néfastes sur l’économie, la guerre civile a provoqué la mort de centaines de milliers d’hommes (voire d’un million), elle a contraint des milliers de réfugiés à fuir vers les pays voisins et des milliers de personnes ont été déplacées et totalement démunies. 400 000 soldats ont été mobilisés, des milliers de foyers ne se sont retrouvés qu’avec la mère comme responsable et de nombreux enfants sont devenus orphelins, abandonnés, délaissés.

La pauvreté en milieu urbain en Ethiopie est habituellement connue comme étant moins sévère qu’en milieu rural. Cependant, la pauvreté urbaine, spécialement dans la capitale, ne cesse de croître. Celle-ci s’explique par le contexte de pauvreté nationale, surtout rurale. En effet, la plupart des migrants issus du milieu rural sont très pauvres, démunis et ne peuvent avoir accès aux services sociaux de la ville.

Rue commerçante dans les faubourgs d’Addis Abeba

L’accès à l’eau potable est faible. 22 % de la population avait accès à l’eau potable au début du 21ème siècle (86 % dans les zones urbaines et 13 % dans les zones rurales). 43% de la population a accès à l’électricité. 42% des logements urbains n’ont pas accès à des latrines convenables. Les services de santé sont très peu développés. Il y a un médecin pour 38 000 habitants. Un enfant sur dix décède au moment ou juste après la naissance. Les maladies endémiques se propagent à grande vitesse et sont responsables en partie d’une mortalité élevée. Le Sida est responsable de la mort d’environ un tiers des adultes.

L’éducation en Ethiopie reste de très bas niveau. En effet, en 1952, seulement 4% des adultes étaient lettrés. Depuis, de nombreuses écoles ont été construites et de nombreux professeurs ont été formés. En 1979, un programme de réduction de l’illettrisme dans le pays fut mis en place. Cependant, les résultats sont encore faibles, seulement 42% des adultes savent lire et écrire. Le taux de scolarisation est d’environ 80% mais avec de très grandes disparités entre les grandes villes et les zones rurales reculées. Il n’est pas rare que dans un petit village isolé le taux d’analphabétisme soit de 100%.

Ainsi, cette pauvreté qui menace le pays est le résultat d’une longue et lourde période de crise socio-économique et politique aussi bien liée à une succession de catastrophes naturelles (sécheresses cycliques, famines) que de calamités provoquées par les hommes (problèmes de la déforestation et de l’érosion des sols, guerre civile). Cela a bien sûr été un frein au développement du pays. Les années 1973 et 1974 ont été marquées par une sécheresse prolongée au nord de l’Ethiopie et dans le Bale, le Sidamo, le Shoa, le Wollo et le Gamo Goffa qui a contraint des centaines de milliers de paysans affamés et leurs familles à gagner les centres urbains dans l’espoir d’obtenir l’aide des institutions gouvernementales. D’autres vagues de sécheresses ont touché le pays comme dans les années 1984-85 ainsi que dernièrement (printemps été 2000) dans la région de l’Ogaden et au nord de l’Ethiopie.

Ce contexte de pauvreté que connaît le pays se fait particulièrement ressentir au niveau de sa capitale, Addis Abeba. Addis Abeba (= nouvelle fleur), capitale de l’Ethiopie fondée en 1887 par l’empereur Menelik II, est située géographiquement au cœur du pays à une altitude moyenne de 2440 mètres, dans la région Oromo, et constitue le centre économique, social et politique du pays. Elle est habitée par une population estimée officiellement à 3.4 millions d’habitants, mais dont les spécialistes conviennent qu’elle plus élevée. Cette capitale est une ville carrefour où se croisent toutes les grandes routes nationales.

Jusqu’en 1887, Addis Abeba n’était qu’une de ces ketema, places fortes établies aux frontières du royaume de Menelik, roi du Shoa. Celui-ci y avait construit son Palais (Gebbi), sur un site de sources chaudes appelé « Finfinne » par les Oromos. En 1889, Menelik y fut couronné roi des rois, Addis Abeba devint ainsi la nouvelle capitale de l’Ethiopie. Le fidèle conseiller Zurichois Alfred Hilg, puis ministre des Affaires étrangères de Menelik II, prit une part importante dans le développement de la capitale et contribua au rayonnement du pays à l’étranger.

En 1917, une voie ferrée reliant Addis Abeba à Djibouti fut construite par la Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien. De nombreuses maisons de commerce s’installèrent, Addis Abeba devint centre politique et commercial du pays. Cette ligne de chemin de fer a tout récemment été totalement reconstruite par les chinois et mise en service en 2018. De 1936 à 1941, Addis Abeba, désormais capitale de l’Afrique Orientale Italienne, fut occupée par les Italiens, lors de la conquête de Mussolini qui fonda son « Impero ». Les Italiens en firent une ville nouvelle, spécialement avec la construction d’un réseau routier en étoile reliant la capitale aux provinces du pays. Le rôle centralisateur d’Addis Abeba fut par conséquent renforcé. L’empereur Haïle Sélassié (1941-1974), avec la fondation du siège de l’OUA en 1963, ainsi que le révolutionnaire Menguistu Haïle Mariam (1974-1991), accentuèrent le mouvement de centralisation autour d’Addis Abeba. Une fois au pouvoir, le DERG (1974) fractionna la ville en districts eux-mêmes divisés en kébélés (quartiers). Aujourd’hui, avec le nouveau découpage territorial institué par le gouvernement provisoire de transition, Addis Abeba est une ville autonome (la région 14).

Toutefois, en 1991, le nouveau gouvernement de Mekles Zenawi, ancien leader du Front Populaire de Libération du Tigre (FPLT), réoriente son action vers la région du Tigré, avec un programme de développement à Mekele, capitale de la région. Plus tard, le Premier Ministre, rééquilibrera sa politique en se préoccupant davantage des autres régions et notamment du sud qui demeure toutefois très en retard par rapport au reste du pays.

Extrait du mémoire de maîtrise de géographie sociale de Claire Rarsirahonana Bayon sur le thème des « Enfants de la rue d’Addis Abeba » (actualisation juin 2019).